traductionfrançais chanson musique amour webtoon paroles scan fanfiction anglais fr romance rĂ©incarnation kpop french historique fantastique manhwa translation bts. 1.2K histoires . Trier par : Sensationnel. Sensationnel Nouveau # 1. I Woke Up as the Ugly Duckling en par Lâathyona. 1.2M 90.1K 198. â ïžattention cette Ćuvre de m'appartient pas â ïž Quel intĂ©rĂȘt de me
LE PLURILINGUISME La marque la plus manifeste de lâoriginalitĂ© de lâĂ©criture romanesque dâAmin Maalouf rĂ©side dans la maniĂšre ingĂ©nieuse dont cet auteur construit, dans ses romans, des rĂ©seaux discursifs diffĂ©rents de ceux quâon trouve gĂ©nĂ©ralement dans les Ă©critures francophones du Mashreq. En effet, câest lâorganisation polyphonique de la narration qui est Ă la base de la multiplicitĂ© identitaire, de la diversitĂ© des perspectives et de la pluralitĂ© des rĂ©cits. Ici sâajoutent au narrateur principal, tantĂŽt implicite, tantĂŽt explicite, dâautres narrateurs. Ainsi, les voix multiples instaurent une orchestration polyphonique. Lâanalyse nous mĂšne Ă situer lâorigine de ce discours polyphonique non pas dans lâimitation des modĂšles du roman francophone, mais dans la prĂ©sence dâun fond langagier et culturel primaire, voire le substrat linguistique de lâOrient musulman lâarabe, le persan, le turc, et de lâOrient chrĂ©tien lâaramĂ©en, lâarmĂ©nien, le grec et le syriaque qui, agissant sur le plan de lâĂ©nonciation, dĂ©termine la forme de lâĂ©noncĂ©. Câest cette multiplicitĂ© discursive qui met le texte littĂ©raire francophone Ă lâĂ©cart par rapport au discours normatif français du Centre. En consĂ©quence, il nous apparaĂźt essentiel de dĂ©velopper des modalitĂ©s dâanalyse pour cerner les enjeux du phĂ©nomĂšne plurilinguistique dans la littĂ©rature francophone, mais il reste toujours Ă considĂ©rer la hiĂ©rarchie des langues dans un texte littĂ©raire, car la distribution de ces langues procĂšde dâune stricte hiĂ©rarchisation. Dâabord, nous pouvons diviser les langues du roman selon le niveau social de leur usage, pour arriver au concept introduit et appliquĂ© par Henri Gobard, la tĂ©traglossie » 1976. Gobard considĂšre, par exemple, que pour chaque aire culturelle donnĂ©e, il faut distinguer quatre types de langages qui sont le langage vernaculaire », le langage vĂ©hiculaire »le langage rĂ©fĂ©rentiaire » et le langage mythique ». Pour Gobard, en effet, le langage vernaculaire » est un langage local, parlĂ© spontanĂ©ment, moins fait pour communiquer que pour communier et qui, seul, peut-ĂȘtre considĂ©rĂ© comme langue maternelle » 1976 23. Le langage vĂ©hiculaire », lui, est tout langage national ou rĂ©gional, appris par nĂ©cessitĂ©, destinĂ© aux communications Ă lâĂ©chelle des villes » 1976 24. Ici, la fonction de communion » nâest plus une prioritĂ©. Il sâagit plutĂŽt dâune fonction de communication ». Si le langage vĂ©hiculaire » est celui qui est utilisĂ© davantage dans les villes, on retrouve le langage rĂ©fĂ©rentiaire » dans les modes dâexpression de culture et de littĂ©rature, que ce soit Ă lâoral ou Ă lâĂ©crit 1976 34. Le langage mythique » renvoie, pour sa part, comme lâindique son nom, au sacrĂ© » et au religieux ». Câest cette multiplicitĂ© discursive qui met le texte littĂ©raire francophone Ă lâĂ©cart par rapport au discours normatif français du Centre. Il faut dire Ă©galement que le plurilinguisme dĂ©passe les revendications linguistiques pour arriver aux revendications culturelles et identitaires. Sâil marque une prise en compte nĂ©cessaire de lâaltĂ©ritĂ©, câest en cela aussi quâil sâaffirme comme principe dialogique ⊠contre la dictature de lâUn » Simon, 1994 28. Rainier Grutman 1993 parle de la diversitĂ© des styles sociaux, des langues naturelles et des voix individuelles. Ainsi se pose la contradiction entre lâunilinguisme et le plurilinguisme dans un texte littĂ©raire. Dâune part, le texte littĂ©raire doit rĂ©clamer son appartenance Ă une langue dominante, et rĂ©clamer aussi un lecteur dĂ©terminĂ© Ă qui sâadresse le texte un lecteur francophone, anglophone, arabophone, etc. Dâautre part, le texte romanesque ne peut ĂȘtre que plurilingue, et reprĂ©sente dâune façon ou dâune autre, une pluralitĂ© de langues. Ces langues vont sây prĂ©senter implicitement ou explicitement. Câest ce que Rainier Grutman appelle la tendance Ă mentionner des langues sans les citer » 1997 38. Dans ce sens, les paradigmes de lâhĂ©tĂ©rolinguisme et du transpolinguisme permettent de repenser lâappartenance linguistique et culturelle des personnages, et de dĂ©terminer lâinscription de leurs paroles » dans un discours sociohistorique prĂ©cis. Câest ainsi que nous arrivons, comme proposĂ© ici, Ă repenser lâappartenance linguistique et culturelle des personnages maaloufiens. Les langues que parlent ces personnages sont lâarabe, le persan, le syriaque, lâhĂ©breu, le grec et le turc. En plus, ces langues peuvent ĂȘtre classĂ©es selon des niveaux langagiers diffĂ©rents. Câest-Ă -dire que sur le plan de lâappartenance linguistique et culturelle du texte romanesque maaloufien, le discours identitaire dĂ©passe, du point de vue diachronique, le substrat linguistique de lâOrient musulman, câest-Ă -dire lâarabe, le persan et le turc, pour arriver au substrat prĂ©islamique, voire lâOrient chrĂ©tien et byzantin. Ici, le substrat linguistique de cet Orient chrĂ©tien est constituĂ© du syriaque, de lâaramĂ©en, de lâarmĂ©nien, de lâhĂ©breu, du grec, langues parlĂ©es en Syrie byzantine avant la conquĂȘte arabe au VIIe siĂšcle. Dans Le PĂ©riple de Baldassare1, par exemple, le nom propre fĂ©minin Marta est un mot dâorigine syriaque qui veut dire dame Issa, 2002 16 ; il porte aussi une connotation, celle de fĂ©minitĂ©, perceptible par toute personne qui parle lâune ou lâautre des langues sĂ©mitiques2. Dans le mĂȘme roman et en ce qui concerne le langage mythique », nous trouvons lâarabe classique. Sur le plan du langage vĂ©hiculaire », nous trouvons le dialecte arabosyriaque, le persan dialectal dâIspahan, et le turc dialectal dâIstanbul Constantinople et dâIzmir Smyrne. Sur le plan du langage rĂ©fĂ©rentiaire », nous signalons la prĂ©sence de lâarabe, du turc et du persan littĂ©raires, et, sur le plan de la langue vernaculaire », celle de plusieurs dialectes locaux, de jargons, dâinterlangue, de crĂ©olisation, comme le dialecte vernaculaire » de Gibelet, Ă©galement prĂ©sent dans Le PĂ©riple de Baldassare, ou celui de la Montagne, prĂ©sent dans Le Rocher de Tanios3, qui fait aussi partie du parler vernaculaire libanais. Ce parler constitue une synthĂšse » linguistique, un processus de crĂ©olisation continu. Aussi, lâusage du parler libanais dans Le PĂ©riple de Baldassare, ou comme dans Le Rocher de Tanios, rĂ©vĂšle ses origines syriaques et aramĂ©ennes. Dans Le Rocher de Tanios, lâusage des mots dâorigine syriaque est bien marquĂ©, avec, entre autres, des mots comme khouriyyĂ© 50, mar 50, ataba 56, bouna 58, kfaryabda 79. Dans Les Jardins de lumiĂšre4, autre roman de lâĂ©crivain, ce sont des mots dâorigine aramĂ©enne comme mar 42, Malchos 49, MĂąrĂąme barekh ! » 54, Baal 115 ou ayar 130, qui permettent dâaccĂ©der aux substrats linguistiques antiques, comme lâaramĂ©en et lâassyrien. Dans le roman dâAmin Maalouf, câest donc tout lâ Orient » qui semble parler, lâOrient musulman comme lâOrient chrĂ©tien byzantin et sassanide, soit horizontalement, Ă travers ses rĂ©gions gĂ©ographiques, de la ville de Grenade en Andalousie musulmane et du Maghreb LĂ©onlâAfricain5 jusquâĂ Samarkand en Asie centrale et au Mashreq Samarcande ; soit verticalement Ă travers ses Ă©poques historiques, câest-Ă -dire de CtĂ©siphon au IIIe siĂšcle Les Jardins de lumiĂšre jusquâĂ Beyrouth au XXe siĂšcle Les Ăchelles du Levant6. LâHĂTĂROLINGUISME Du point de vue mĂ©thodologique, une question principale se pose comment faire ressortir, dans un roman dâAmin Maalouf, ces langues orientales qui sont mentionnĂ©es sans ĂȘtre citĂ©es ? Ici, nous prenons en compte que le plurilinguisme est prĂ©sent Ă titre mĂ©taphorique, mais se trouve effacĂ© en tant que matĂ©rialitĂ© » Leclerc, 2004 18. Grutman 1997 introduit le terme de lâ hĂ©tĂ©rolinguisme » qui permet de rĂ©pondre Ă la question ainsi posĂ©e quant aux langues non citĂ©es, mais aussi quant Ă la prĂ©sence du plurilinguisme comme mĂ©taphore dont la matĂ©rialitĂ© est effacĂ©e dans le texte. Selon Grutman, le roman surtout met en Ćuvre une extrĂȘme diversitĂ© de langages [et] son histoire peut traverser plusieurs couches sociales, plusieurs rĂ©gions allophones voire plusieurs moments de lâHistoire⊠» 1993 55. Pour Lawson-Hellu 2003, le concept dâhĂ©tĂ©rolinguisme apparaĂźt Ă©galement plus riche sĂ©miotiquement que ceux de diglossie et de bilinguisme utilisĂ©s gĂ©nĂ©ralement dans des Ă©tudes sur le plurilinguisme dans les textes littĂ©raires francophones. Selon lui, lâhĂ©tĂ©rolinguisme permet non seulement dâidentifier le dialogue des langues dans le texte, mais surtout de relever, par le biais de lâintentionnalitĂ© de lâĂ©crivain, le potentiel discursif voire stratĂ©gique de ce dialogue » 2003 311. Ici, câest le jeu de pouvoir », ou les rapports de force », dans la nomenclature de Bourdieu, quâil rĂ©vĂšle et permet dâĂ©tudier Ă partir des langues inscrites dans le texte, Ă lâexemple du texte littĂ©raire francophone. Pour sa mise en opĂ©rativitĂ© dans lâanalyse littĂ©raire, lâhĂ©tĂ©rolinguisme procĂ©dera dĂšs lors par le pĂ©rĂ©grinisme et par le xĂ©nisme En effet, le pĂ©rĂ©grinisme sâinsĂšre dans un texte comme un Ă©lĂ©ment Ă©tranger, sans toujours ĂȘtre suivi dâune traduction ou dâune note mĂ©talinguistique. Au contraire, le xĂ©nisme indique la prĂ©sence dâun Ă©lĂ©ment Ă©tranger dans une langue quelconque, suivi ou non dâune explication mĂ©talinguistique. Ainsi, le xĂ©nisme sera plutĂŽt une insertion dâorigine Ă©trangĂšre souvent accompagnĂ©e â sinon toujours â dâune glose qui annule lâimpression de faute ». Lawson-Hellu, 2003 318 Et cela, Ă travers une variation typographique, une glose mĂ©talinguistique ou une incorporation directe. Lawson-Hellu 2003 montre que le dialogue entre le français, comme langue dâĂ©criture, et les langues maternelles des Ă©crivains francophones se concrĂ©tise, dans le texte, par les modalitĂ©s de lâemprunt et de lâintĂ©gration. Selon lui, la transposition en constituerait une autre modalitĂ©, la transposition qui est dĂ©jĂ en usage dans le domaine de la traduction câest-Ă -dire le processus dâexpression du contenu Ă©nonciatif dâune langue dâorigine, langue source, dans une langue dâarrivĂ©e, langue cible » Lawson-Hellu, 2004 96. En effet, la transposition maintient dans le fait hĂ©tĂ©rolinguistique lâidentitĂ© et la culture inscrites dans le texte francophone par-delĂ sa langue visible » dâexpression La transposition met davantage lâaccent sur le maintien de lâidentitĂ© forme et contenu de la rĂ©alitĂ© traduite, de sa langue ou domaine source Ă sa langue ou domaine cible. Lawson-Hellu, 2004 97 Dans ses modalitĂ©s, le pĂ©rĂ©grinisme et le xĂ©nisme, lâhĂ©tĂ©rolinguisme est visible par nature. Ce qui le distingue de la transposition, câest la non-visibilitĂ© de cette derniĂšre, comme en donne lâexemple le texte francophone. Ici, se pose une autre question si les Ă©lĂ©ments de la transposition linguistique, ou du transpolinguisme, sont dâune nature non visible, comment lâanalyse peut-elle en rendre compte ? Lawson-Hellu propose les deux opĂ©rations de la mention et de la prĂ©supposition, en mettant la pertinence du paradigme de la transposition dans la distinction quâelle permet dâĂ©tablir, sur le plan de lâanalyse, entre la langue du narrateur et celles des personnages, par exemple. Pour les modalitĂ©s dâapprĂ©hension de la transposition, le type mention semble ĂȘtre identifiable immĂ©diatement, tandis que le type prĂ©supposition exige une analyse plus profonde de lâĂ©noncĂ©, et une interprĂ©tation de cet Ă©noncĂ© basĂ©e sur les donnĂ©es culturelles, sociales et biographiques des narrateurs et des personnages du roman. Dans le roman dâAmin Maalouf, câest donc tout lâ Orient » qui semble parler, lâOrient musulman comme lâOrient chrĂ©tien byzantin et sassanide, soit horizontalement, Ă travers ses rĂ©gions gĂ©ographiques, de la ville de Grenade en Andalousie musulmane et du Maghreb jusquâĂ Samarkand en Asie centrale et au Mashreq ; soit verticalement Ă travers ses Ă©poques historiques, câest-Ă -dire de CtĂ©siphon au IIIe siĂšcle jusquâĂ Beyrouth au XXe siĂšcle. LANGUE DU NARRATEUR, LANGUES DES PERSONNAGES Du point de vue mĂ©thodologique, donc, il sâagit dâidentifier la langue du narrateur initial de celles des personnages de la fiction. Dans le cas du texte francophone, oĂč les langues des personnages semblent distinctes de celle du narrateur â dâoĂč le caractĂšre francophone » de la fiction â, il sâagit dâun narrateur initial bilingue et francophone qui rapporte » les faits » de paroles des autres personnages en les transposant » ou en les traduisant dans sa langue de narrateur, le français. Pour leur part, les personnages du roman seront supposĂ©s parler leurs propres langues. Dans les romans dâAmin Maalouf, les langues des personnages sont diffĂ©rentes, naturellement, de celle du narrateur initial qui parle Ă©galement les langues des personnages. Par exemple, dans LĂ©on lâAfricain, le narrateur initial, Hassan al-Wazzan, se prĂ©sente et confirme son identitĂ©, notamment son prĂ©nom et son patronyme, en commençant son Ă©noncĂ© par le pronom personnel moi et en le suivant par un autre » moi, comme pour nous signaler son appartenance identitaire Ă deux cultures diffĂ©rentes Moi, Hassan fils de Mohamed le peseur, moi, Jean-LĂ©on de MĂ©dicis, circoncis de la main dâun barbier et baptisĂ© de la main dâun pape, on me nomme aujourdâhui lâAfricain, mais dâAfrique ne suis, ni dâEurope, ni dâArabie. LĂ©on, 11 Hassan al-Wazzan parle plusieurs langues. Le Cardinal Guicciardini lui dit Jâai fait Ă©tat de ta prĂ©sence avec moi ainsi que de ta connaissance du turc. Sa MajestĂ© [François 1er] mâa demandĂ© si tu pouvais faire office de truchement. LĂ©on, 337 Dans Samarcande, autre roman dâAmain Maalouf, le narrateur initial est un jeune journaliste amĂ©ricain dâorigine française, sa mĂšre Ă©tant française, fille de Charles-Hubert de Luçay ; il est aussi bilingue Jâai dĂ©jĂ mentionnĂ© mon nom, Benjamin O. Lesage. MalgrĂ© la consonance française, hĂ©ritage dâun aĂŻeul huguenot Ă©migrĂ© au siĂšcle de Louis XIV, je suis citoyen amĂ©ricain, natif dâAnnapolis, dans le Maryland, sur la baie de Chesapeake, modeste bras de lâAtlantique. Mes rapports avec la France ne se limitent pourtant pas Ă cette lointaine ascendance, mon pĂšre sâest appliquĂ© Ă les renouveler. Samarcande, 199 Dans le cas de Baldassare Embriaco, narrateur initial dans Le PĂ©riple de Baldassare, il sâagit dâun GĂ©nois dâOrient et nĂ©gociant en curiositĂ©s. Il joue le rĂŽle dâun medium entre lâOrient et lâOccident, dâoĂč vient sa connaissance de plusieurs langues orientales et europĂ©ennes ainsi que du français Mon nom est Baldassare, câest moi qui ai pris la succession [âŠ] Ma famille vient de GĂȘnes, mais il y a trĂšs longtemps quâelle est installĂ©e au Levant⊠PĂ©riple, 13-14 Dans lâexemple suivant, Baldassare participe Ă une messe de lâambassade du roi de France », et utilise le français pour communiquer avec les gens Ă lâĂ©glise Pour moi le rĂ©veil sâappelle Constantinople. DĂšs demain, dimanche, je me prĂ©senterai dans mes habits dâapparat Ă lâambassade du roi de France, ou plus exactement Ă lâĂ©glise de lâambassade, Ă la recherche du chevalier de Marmontel. PĂ©riple, 116-18 Nous pouvons aussi mentionner Les Ăchelles du Levant, oĂč figurent deux narrateurs initiaux lâun est anonyme, lâautre est connu, Ossyane. Ces deux narrateurs sont bilingues et francophones Cette histoire ne mâappartient pas, elle raconte la vie dâun autre. Avec ses propres mots, que jâai seulement agencĂ©s quand ils mâont paru manquer de clartĂ© ou de cohĂ©rence. Avec ses propres vĂ©ritĂ©s, qui valent ce que valent toutes les vĂ©ritĂ©s. Ăchelles, 9 Quant Ă lâexemple de Mani dans Les Jardins de lumiĂšre, le narrateur ne participe pas aux Ă©vĂ©nements de lâhistoire. Ici, les langues des personnages sont, en premier lieu, lâaramĂ©en, lâassyrien et le syriaque, puis lâancien persan, lâancien grec, le latin, lâhĂ©breu. Autrement dit, tout le substrat linguistique de lâOrient chrĂ©tien et de lâOrient mage Il parlait avec force gesticulations, dans le dialecte aramĂ©en du pays, mais dĂ»ment Ă©maillĂ© de mots grecs, surtout pour les termes militaires. Jardins, 66 En ce qui concerne Le Rocher de Tanios, enfin, nous trouvons plusieurs rĂ©cits et rapports sur la disparition Ă©nigmatique de Tanios-kishk en 1840. Le narrateur initial transpose », en les traduisant en français, les diffĂ©rents rĂ©cits sur cette disparition; il indique notamment dans son rĂ©cit que le manuscrit du moine, dont il transpose le contenu, est Ă©crit en arabe ⊠alors il accumule les emprunts aux auteurs du passĂ© et aux notables de son temps, en vers de prĂ©fĂ©rence, ces vers arabes de lâĂąge de la DĂ©cadence, empesĂ©s dâimages convenues et de sentiments froids. Rocher, 12 Dans lâĂ©noncĂ© ci-aprĂšs, le narrateur initial indique par exemple quâil avait traduit et transposĂ© en français un rĂ©cit arabe HĂ©sitant encore Ă mâengager dans une lecture qui menaçait dâĂȘtre rebutante, je feuilletais le monstre du bout des doigts, du bout des yeux, quand devant moi se dĂ©tachĂšrent ces lignes â je les ai aussitĂŽt recopiĂ©es, et plus tard traduites et ponctuĂ©es. Rocher, 13 Ces diffĂ©rents exemples permettent ainsi dâĂ©tablir un point de dĂ©part confirmant la prĂ©sence de diffĂ©rentes langues dans le texte romanesque dâAmin Maalouf. Les modalitĂ©s du transpolinguisme vont permettre de complĂ©ter la mise au jour de lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©isation linguistique dans ce texte, telle quâelle sâexprime par le biais des langues confĂ©rĂ©es aux personnages. LE TRANSPOLINGUISME DANS LES ROMANS DâAMIN MAALOUF La modalitĂ© de la transposition permet en effet dâidentifier Ă©galement les langues que parlent les personnages dans les romans dâAmin Maalouf. Elle caractĂ©rise notamment les romans suivants Le PĂ©riple de Baldassare, LĂ©on lâAfricain et Le Rocher de Tanios. Prenons lâexemple de LĂ©on lâAfricain Elle avait prononcĂ© ces mots en arabe, mais avec cet accent circassien que tous les Cairotes reconnaissent sans peine, puisquâil est celui des sultans et des officiers mamelouks. LĂ©on, 244 Ici, la transposition linguistique est chargĂ©e dâun contenu culturel et identitaire. Il sâagit des mots-clĂ©s qui portent des charges identitaires. Ces mots sont arabe, circassien, Cairotes, sultans et mamelouks. Ces cinq mots rĂ©sument toute une mĂ©moire historique ; ils Ă©noncent lâhistoire de lâĂgypte Ă une Ă©poque prĂ©cise. Les Mamelouks ne sont en effet plus les maĂźtres du pays, et en 1517, lâĂgypte devient une province ottomane Pareja, 1964 141. Prenons un autre exemple tirĂ© des Jardins de lumiĂšre Nobles visiteurs, seriez-vous les seuls hommes dans cette ville Ă ignorer que nos souverains, les princes kushan, viennent dâĂȘtre dĂ©faits par lâarmĂ©e perse et quâils se sont retirĂ©s au-delĂ des cinq fleuves ?Il parlait un aramĂ©en fort approximatif, coiffant la plupart des syllabes de lâaccent erronĂ©, comme tant de croyants qui se font un devoir dâapprendre la langue liturgique mais nâont guĂšre lâoccasion dâen user dans les Ă©changes quotidiens. Jardins, 154 LâĂ©noncĂ© Nobles visiteurs⊠» aurait ainsi Ă©tĂ© produit en aramĂ©en, avec lâaccent des locuteurs non natifs, ainsi quâavec des alternances codiques en aramĂ©en et en grec. Ces informations linguistiques sont indiquĂ©es dans lâĂ©noncĂ© du narrateur initial. Ce dernier aura dĂšs lors transposĂ© » en français lâĂ©noncĂ© Nobles visiteurs⊠» initialement produit en aramĂ©en. Ici, comme dans lâexemple tirĂ© de LĂ©on lâAfricain, il sâagit dâune transposition linguistique de type mention, puisque le narrateur lâindique dans le passage Il parlait un aramĂ©en fort approximatif⊠» Il en est ainsi des extraits ci-aprĂšs du PĂ©riple de Baldassare Je lui traduisis la question dans lâarabe parlĂ© Ă Gibelet et elle rĂ©pondit avec empressement, sur un ton quasiment suppliant Sans mon mari ! » PĂ©riple, 476 ;[âŠ] un dignitaire turc arriva en grand Ă©quipage. Sans mettre pied Ă terre, il envoya un de ses gens me quĂ©rir [âŠ] Quand je me prĂ©sentai, il me salua en arabe du haut de sa monture harnachĂ©e et je lui retournai son salut PĂ©riple, 167 ;Ă lâexception des formules consacrĂ©es que tout musulman connaĂźt, lâhomme parle lâarabe avec difficultĂ©. Nous pĂ»mes nĂ©anmoins nous prĂ©senter lâun Ă lâautre, et nous pourrons, je crois, Ă lâoccasion, avoir une conversation. Il me dit quâil sâappelle [sic] Ali Esfahani⊠PĂ©riple, 344 Lâensemble de ces exemples met en lumiĂšre la modalitĂ© de transposition de type mention par laquelle sâinscrit lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©isation linguistique Ă travers les faits de paroles des Ă©nonciateurs personnages chez lâĂ©crivain. Une telle modalitĂ© ne demande pas beaucoup dâinterprĂ©tation et dâanalyse Ă©tant donnĂ© quâen cette circonstance le narrateur prĂ©cise les langues dans lesquelles se construisent les Ă©noncĂ©s des personnages. La transposition de type prĂ©supposition exige par contre un travail dâanalyse et dâinterprĂ©tation des donnĂ©es biographiques fournies sur les personnages du roman, comme en tĂ©moigne lâexemple suivant tirĂ© du PĂ©riple de Baldassare Puis Domenico lui demanda, dâun ton trĂšs paternel Dites-nous, Marta. Est-ce que vous souhaitez retourner sur la rive avec votre mari, ou bien venir avec nous ? »En traduisant, jâai dit revenir avec moi ». Mais elle rĂ©pondit clairement, avec un geste de sa main pointĂ©e, quâelle voulait repartir pour Katarraktis. PĂ©riple, 478 Ici, lâindication du rĂŽle de Baldassare comme interprĂšte aux cĂŽtĂ©s de Domenico et de Marta permet de dĂ©duire le contexte dâĂ©nonciation. Le capitaine Domenico parle lâitalien et Marta parle un dialecte vernaculaire arabosyriaque. Baldassare joue le rĂŽle dâinterprĂšte. LâĂ©noncĂ© Dites-nous, Marta. Est-ce que vous souhaitez⊠» rend ainsi visible son appartenance Ă deux contextes culturels lâitalien dialectal de GĂȘnes, car câest Domenico le gĂ©nois qui parle, et lâarabosyriaque de Gibelet. Selon les occurrences hĂ©tĂ©rolinguistiques du roman, Marta ne parle que le dialecte de Gibelet, qui serait distinct du français du narrateur ou du texte. Aussi, les donnĂ©es sur lâappartenance sociale de Marta nous aident Ă interprĂ©ter ses Ă©noncĂ©s. Il nâest que de constater les donnĂ©es socioculturelles fournies par le texte sur Marta Ă lâorigine de tout ce tumulte, une femme, Marta, que lâon appelle ici, avec un lĂ©ger clin dâĆil, la veuve ». Elle avait Ă©pousĂ©, il y a quelques annĂ©es, un individu que tout le monde savait ĂȘtre un voyou ; issu, dâailleurs, dâune famille de voyous, tous escrocs, chapardeurs, maraudeurs, dĂ©trousseurs, naufrageurs, tous sans exception, grands et petits, aussi loin que remontent les souvenirs ! Et la belle Marta, qui Ă©tait alors une fille dĂ©lurĂ©e, espiĂšgle, indomptable, malicieuse mais pas du tout mauvaise graine, sâĂ©tait Ă©prise de lâun dâeux â un dĂ©nommĂ© Sayyaf. PĂ©riple, 39 Ces donnĂ©es biographiques aident Ă prĂ©supposer » que le dialogue ci-dessus se dĂ©roule en dialecte arabosyriaque vernaculaire de Gibelet. LâinterprĂ©tation des donnĂ©es biographiques aide Ă©galement Ă distinguer le français de la narration, de la langue de Marta. Nous lisons ainsi, dans Le Rocher de Tanios ⊠le vieux GĂ©brayel â puisse-t-il vivre et garder sa tĂȘte claire au-delĂ de cent ans â mâa fait lire un soir, soulignant chaque mot de son index noueux Pour tous les autres, tu es lâabsent, mais je suis lâami qui leur insu tu as couru sur le chemin du pĂšre meurtrier, vers la tâattend, la fille au trĂ©sor, dans son Ăźle ; et ses cheveux ont toujours la couleur du soleil dâoccident. Rocher, 278 Dans ce dernier passage, nous pouvons donc prĂ©supposer que lâĂ©noncĂ© Pour tous les autres⊠» a Ă©tĂ© produit en arabe, puis transposĂ© en français par le narrateur, le passage lu par GĂ©brayel Ă©tant pris du manuscrit arabe de Nader et traduit par le narrateur sous le titre de la Sagesse du muletier », tel quâindiquĂ© dans le roman Nader ne devait plus jamais remettre les pieds au village [âŠ] Sa part de secret, il lâavait consignĂ©e sur un cahier quâun jour, dans les annĂ©es vingt de ce siĂšcle, un enseignant de lâAmerican University of Beirut allait retrouver, par chance, dans le fouillis dâun grenier. AnnotĂ© et publiĂ©, avec une traduction anglaise, sous le titre Wisdom on muleback que jâai librement transformĂ© en la Sagesse du muletier »⊠Rocher, 277 Les donnĂ©es prĂ©sentĂ©es ici confirment que le manuscrit a Ă©tĂ© effectivement Ă©crit en arabe. Dâun point de vue gĂ©nĂ©ral, nous ne pouvons en effet appliquer la modalitĂ© de la prĂ©supposition sans un relevĂ© substantiel des donnĂ©es biographiques pour chacun des personnages du roman, tel quâelles sont fournies par le texte, et en concordance avec les donnĂ©es extratextuelles, sociales ou historiques, de rĂ©fĂ©rence de lâĂ©criture. LA VOIX NON-VISIBLE » DU TRUCHEMENT Câest la nĂ©cessitĂ© de mise en relation entre le texte et son rĂ©fĂ©rent sociohistorique, culturel, ou sociolinguistique dans lâanalyse du plurilinguisme littĂ©raire, qui permet de circonscrire la pertinence discursive de la textualisation des langues, quant Ă lâintentionnalitĂ© de lâĂ©crivain. Les exemples ci-aprĂšs en donnent la mesure dans lâĆuvre dâAmin Maalouf. Le premier est tirĂ© du PĂ©riple de Baldassare Laissez-le-moi, hajj Idriss, je vais le montrer Ă quelques clients qui pourraient ĂȘtre intĂ©ressĂ©s. PĂ©riple, 25 Dans cet Ă©noncĂ©, le pĂ©rĂ©grinisme passe presque inaperçu. Il ne se met ni en italique ni entre guillemets. LorsquâIdriss vient au magasin de Baldassare pour lui proposer un livre Ă vendre, Baldassare sâadresse Ă lui en un langage vernaculaire », celui de Gibelet. En arabe, le mot hajj » veut dire pĂšlerin ». Dans un autre passage, lorsque Baldassare rencontre le cheikh Abdel Basset et lui parle dâIdriss, nous lisons JâĂ©tais ainsi, grisĂ© mais encore incrĂ©dule, lorsquâun passant mâinterpella Baldassare efendi ! » PĂ©riple, 27 LâĂ©noncĂ© est mis ici au discours direct. Nous trouvons un verbe introductif interpeller », une rĂ©plique et des guillemets. LâĂ©noncĂ© second du passant » est mis entre guillemets et transmis dans la langue du personnage et non dans celle du narrateur. Le mot efendi » dâorigine turque fut introduit en dialecte arabe vernaculaire » levantin syro-libanais et en dialecte Ă©gyptien, et il est toujours en usage dans les pays arabes. En turc, il se dit efendim », câest-Ă -dire Monsieur » Halbout, 1992 495. On trouve aussi le mot khwĂ©ja introduit dans Le Rocher de Tanios, oĂč il figure comme Ă©lĂ©ment xĂ©nitique. Ce mĂȘme mot se retrouve dans Samarcande comme Ă©lĂ©ment pĂ©rĂ©grinitique. Ici, il nâest pas suivi dâune glose mĂ©talinguistique, comme il en est le cas dans Le Rocher de Tanios. Dans Samarcande, le cadi Abou-Taher sâadressa en effet Ă Omar avec son titre KhwajĂ©. Ă voix haute, il poursuit Puis-je espĂ©rer quâen dĂ©pit de tout ce quâil a endurĂ©, khwajĂ© Omar ne gardera pas un trop mauvais souvenir de Samarcande ? Samarcande, 31 Dans ce cas-ci, lâĂ©noncĂ© second est transmis aussi au discours direct. Nous avons un verbe introductif poursuivre » et une rĂ©plique. Nous trouvons lĂ une diffĂ©rence phonĂ©tique dans la prononciation du mot khwĂ©ja Le Rocher de Tanios qui devient khwajĂ© Samarcande, parce que dans le premier, câest la variante phonĂ©tique du mot turcopersan khwajĂ©, tel quâelle est utilisĂ©e par les villageois libanais du Mont-Liban. Dans le dialecte local de la ville de Beyrouth la capitale, ce mot se prononce khawaja DâAlverny, 1963 1. Dans Le Rocher de Tanios, le premier a subi donc une omission, crĂ©ant la rencontre dâune consonne kh et w, qui se prononce parfois comme v, et le deuxiĂšme a sâest transformĂ© en Ă©. En plus, lâaccent tonique sâest dĂ©placĂ© vers le dĂ©but du mot et non pas vers sa fin, tel quâil est le cas avec la variante persane. Câest ce quâon appelle en grammaire du dialecte libanais, al-imĂąlah DâAlverny, 1963. Le mot arabe hajj masculin singulier ou hajjĂ© fĂ©minin singulier sâinsert dans Le Rocher de Tanios comme xĂ©nisme, et dans Le PĂ©riple de Baldassare, comme pĂ©rĂ©grinisme Que dis-tu, hajjĂ© ?On lâappelait ainsi parce que, dans sa jeunesse, elle Ă©tait partie en pĂšlerinage Ă BethlĂ©em, voir la Sainte-CrĂšche. Rocher, 34 Selon Bakhtine, tout Ă©noncĂ© contient les mots dâautrui cachĂ©s ou semi-cachĂ©s, dâun degrĂ© dâaltĂ©ritĂ© plus ou moins grand » 1984 301. Dans la vie rĂ©elle, lâĂ©change verbal, le genre de discours premier, se construit par les Ă©noncĂ©s de deux locuteurs ou plus. Pour que lâĂ©change verbal se poursuive, les Ă©noncĂ©s doivent avoir des frontiĂšres qui se dĂ©terminent par lâalternance des sujets parlants. Dans le roman, qui appartient au genre de discours second, les frontiĂšres prennent la forme dâune rĂ©plique. Nous distinguons en effet dans un roman, deux discours le discours narratif et le discours rapportĂ©. Les Ă©noncĂ©s des personnages se prĂ©sentent sous lâun des styles suivants discours direct, discours direct libre, discours indirect et discours indirect libre. Tout Ă©noncĂ© comporte un commencement absolu et une fin absolue avant son dĂ©but, il y a les Ă©noncĂ©s des autres, aprĂšs sa fin, il y a les Ă©noncĂ©s-rĂ©ponses des autres » Bakhtine, 1984 277. En partant de ce fait, il sâagit de voir ici comment le xĂ©nisme et le pĂ©rĂ©grinisme crĂ©ent, dans les limites de lâĂ©noncĂ© mĂȘme du personnage, des frontiĂšres entre deux autres Ă©noncĂ©s, celui du personnage et celui du narrateur. Dans le genre de discours premier, le rapport qui sâinstaure entre les rĂ©pliques du dialogue est impossible entre les unitĂ©s de langue que ce soit dans le systĂšme de la langue sur lâaxe vertical, ou Ă lâintĂ©rieur de lâĂ©noncĂ© sur lâaxe horizontal » Bakhtine, 1984 278. Cependant ce qui semble impossible dans le genre de discours premier peut se rĂ©aliser dans le genre de discours second, et surtout dans le roman. De fait, Ă une Ă©tape premiĂšre, lâĂ©tude des Ă©lĂ©ments xĂ©nitiques et pĂ©rĂ©grinitiques exige lâidentification de deux niveaux de discours selon la terminologie bakhtinienne le discours narratif et le discours rapportĂ©. Le discours rapportĂ© est conçu par le locuteur comme lâĂ©nonciation dâun autre Bakhtine, 1977 166. Ici, nous avons un discours dans le discours, une Ă©nonciation dans lâĂ©nonciation ; un discours rapportĂ©, celui des personnages, dans un discours narratif, celui du narrateur. Ă une seconde Ă©tape, lâanalyse part du fait que les mots et Ă©pithĂštes entre guillemets constituent une arĂšne oĂč viennent sâaffronter et lutter deux mises en relief, deux points de vue, deux discours » Bakhtine, 1977 188. Il sâagit du discours de lâauteur narrateur et de celui du hĂ©ros. Cette appartenance simultanĂ©e Ă deux discours orientĂ©s diffĂ©remment dans leur expression, Bakhtine la considĂšre un fait de langue ou une interfĂ©rence de discours » Bakhtine, 1977 189. Nous prenons le discours rapportĂ© comme Ă©lĂ©ment dâanalyse, et il sây dĂ©voile deux Ă©noncĂ©s diffĂ©rents 1 lâĂ©noncĂ© tel que transmis dans la langue du narrateur, et 2 lâĂ©noncĂ© tel que transmis dans la langue du personnage lui-mĂȘme. Le pĂ©rĂ©grinisme indique une reprĂ©sentation verbale, une transmission honnĂȘte » des paroles du personnage, de son discours rapportĂ© sous sa forme directe ou indirecte libre. Cependant, mĂȘme dans le discours direct, lâĂ©noncĂ© de lâautre ne se trouve pas tout Ă fait libre de la dominance du discours du narrateur. Dans lâĂ©noncĂ© type suivant, Boumeh ! Ne vas-tu pas cesser de torturer notre oncle ? », nous pouvons prĂ©supposer quâil y a deux Ă©noncĂ©s diffĂ©rents. Il ne sâagit pas vraiment de lâĂ©noncĂ© de lâautre tel que produit par lui-mĂȘme, mais plutĂŽt de 1 lâĂ©noncĂ© de lâautre tel que produit par lui-mĂȘme dans sa propre langue, et de 2 son Ă©noncĂ©, tel que traduit » et transmis » par le narrateur et dans sa langue. En plus, cet Ă©noncĂ© rapportĂ© au discours direct se trouve de nouveau soumis Ă lâautoritĂ© du discours du narrateur, qui sâimpose au niveau du discours rapportĂ©, cette fois-ci sous la forme dâune glose mĂ©talinguistique. Cette glose sert Ă confirmer que le texte, malgrĂ© la prĂ©sence des Ă©lĂ©ments Ă©trangers, appartient toujours Ă la langue du narrateur, qui est ici le français. La traduction exige un traducteur qui traduit et transmet les Ă©noncĂ©s des personnages en français. Ici, nous supposons quâĂ travers le travail de lâĂ©crivain, câest le narrateur qui traduit » les Ă©noncĂ©s des personnages dans sa propre langue, comme câest lui qui narre et rapporte. MĂȘme si le discours rapportĂ© se dĂ©marque du discours narratif, il reste que câest le narrateur qui rapporte les Ă©noncĂ©s des personnages, soit au discours direct, soit aux discours indirect et indirect libre. Dans ce sens, chaque Ă©noncĂ© doit comprendre aussi, Ă cĂŽtĂ© de la voix du personnage celle du narrateur qui joue, dans lâĂ©noncĂ© rapportĂ©, le rĂŽle dâun truchement. Si cette voix passe souvent inaperçue dans un Ă©noncĂ©, câest-Ă -dire presque non visible », câest parce quâelle adhĂšre Ă la voix du personnage. Il en est ainsi du mot khwajĂ© mis en italique dans Le Rocher de Tanios et qui indique la prĂ©sence de deux niveaux diffĂ©rents 1 lâĂ©noncĂ© du personnage, transmis dans la langue du narrateur ; et 2 une trace » de ce mĂȘme Ă©noncĂ© tel que produit dans la langue du personnage et non pas dans celle du narrateur. Cette trace » pĂ©rĂ©grinitique ou xĂ©nitique joue le rĂŽle dâun indice dans lâĂ©noncĂ© du personnage. Elle nâindique pas seulement la prĂ©sence des langues Ă©trangĂšres dans le texte, Ă lâexemple du texte francophone ici, mais aussi la prĂ©sence dâune autre voix dans la voix, dâun Ă©noncĂ© dans lâĂ©noncĂ©. Câest-Ă -dire que le xĂ©nisme et le pĂ©rĂ©grinisme, en tant que traces, rendent la voix du truchement visible », parce quâils crĂ©ent une sorte de dĂ©sharmonisation, dâincohĂ©rence au niveau de lâĂ©nonciation et de sa prise en charge linguistique ou langagiĂšre. Cette dĂ©sharmonisation mĂȘme rend la voix du truchement visible ». Autrement dit, il ne sâagit pas seulement de lâĂ©noncĂ© du personnage, mais aussi de celui du narrateur-truchement, parce que câest lui qui traduit » et transmet » lâĂ©noncĂ© du personnage. Le principe des deux Ă©noncĂ©s ci-dessus Ă©voquĂ© implique la prĂ©sence de frontiĂšres qui sĂ©parent diffĂ©rents Ă©noncĂ©s et Ă©tablissent lâalternance des sujets parlants. Cela est vrai vu de lâextĂ©rieur des Ă©noncĂ©s et des rĂ©pliques. Il lâest Ă©galement en prenant lâĂ©noncĂ© comme unitĂ© dâĂ©tude, mais vu de lâintĂ©rieur, câest-Ă -dire par rapport Ă dâautres Ă©noncĂ©s dans un contexte dâĂ©change verbal. Lâanalyse doit partir ici, non pas de la premiĂšre particularitĂ© de lâĂ©noncĂ© quâest lâalternance des sujets parlants Bakhtine, 1984 282, mais de la deuxiĂšme particularitĂ©, câest-Ă -dire de lâachĂšvement qui est un peu lâalternance des sujets parlants vue de lâintĂ©rieur » Bakhtine, 1984 282. Avec le xĂ©nisme, ce nâest pas seulement le discours dans le discours ou bien lâĂ©noncĂ© dans lâĂ©noncĂ©, mais plutĂŽt un discours sur le discours et un Ă©noncĂ© sur lâĂ©noncĂ©. Nous en prendrons lâexemple dans Le PĂ©riple de Baldassare, avec lâĂ©noncĂ© rapportĂ© au discours direct En poussant le portillon de sa masure, je vis, assise sur le seuil, une femme du voisinage, le front dans les mains. Je lui demandai, par politesse, avant dâentrer, si hajj Idriss Ă©tait lĂ . Elle releva la tĂȘte et me dit seulement Twaffa. » Il est mort ! PĂ©riple, 34 Il sâagit du verbe twaffa, en dialecte arabosyriaque, conjuguĂ© Ă la troisiĂšme personne du singulier au passĂ©. Le discours rapportĂ© est mis, dans cet exemple, Ă la forme du discours direct, comme il sâagit dâun verbe introductif dire », dâune rĂ©plique et de guillemets. Nous pouvons dĂ©couper lâĂ©noncĂ© suivant Twaffa.â Il est mort ! » en deux Ă©noncĂ©s sĂ©parĂ©s lâun de lâautre twaffa » et il est mort », sans nuire au discours rapportĂ©. Le narrateur pourrait reconstruire lâĂ©noncĂ© selon les diverses modalitĂ©s de lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©isation linguistique 1 La voix du narrateur-truchement demeure non-visible » Mention Elle releva la tĂȘte et me dit seulement, en arabe Il est mort ». PrĂ©supposition Elle releva la tĂȘte et me dit seulement Il est mort ». 2 La voix du narrateur-truchement se rend visible » XĂ©nisme Elle releva la tĂȘte et me dit seulement Twaffa ». Il est mort. Lâintonation qui dĂ©marque le discours dâautrui signalĂ© par les guillemets Twaffa » fonctionne comme une transposition Ă lâintĂ©rieur de lâĂ©noncĂ©, une sorte dâalternance des sujets parlants, un achĂšvement, comme il sâagit dâune perspective intĂ©rieure. Le xĂ©nisme, ici, sert Ă Ă©tablir des frontiĂšres sĂ©parant deux Ă©noncĂ©s dans lâĂ©noncĂ©. Ici, Ă©galement, nous pouvons dĂ©tecter la voix non-visible » du narrateur-truchement insĂ©rĂ©e dans le discours rapportĂ© comme une glose mĂ©talinguistique accolĂ©e Ă la voix du personnage. De cette façon, le discours dâautrui possĂšde une expression double la propre, câest-Ă -dire celle dâautrui, et celle de lâĂ©noncĂ© qui lâabrite » Bakhtine, 1984 301. La voix du narrateur-truchement sâinsĂšre ainsi dans lâĂ©noncĂ© en tant que glose mĂ©talinguistique qui explique » le sens des mots Ă©trangers, qui adhĂšre Ă celle du personnage et qui interprĂšte » ses paroles. Parfois, lâusage du mot Ă©tranger se fait dans le discours rapportĂ© du personnage et au style du discours direct. Ce dernier permet Ă lâĂ©noncĂ© du personnage de se distinguer de celui du narrateur. La voix du narrateur-truchement se dĂ©tache de celle du personnage Ă ce moment, et se fait visible sous la forme dâune glose mĂ©talinguistique qui explique » les paroles du personnage, mais sans y adhĂ©rer. Dans ce cas, la glose mĂ©talinguistique se trouve hors de lâĂ©noncĂ© ; elle le suit, comme lâindique lâexemple ci-aprĂšs tirĂ© du PĂ©riple de Baldassare Boumeh ! Ne vas-tu pas cesser de torturer notre oncle ? » Boumeh », hibou », oiseau de malheur », câest ainsi que le cadet surnomme son frĂšre depuis lâenfance⊠PĂ©riple, 23-24 Ici, le narrateur utilise le mot hibou boumeh en dialecte arabosyriaque. La glose mĂ©talinguistique se dĂ©tache de lâĂ©noncĂ© et le suit. Cependant, mĂȘme dans cet Ă©noncĂ©, il est possible dâidentifier la voix non visible » du narrateur-truchement, la prĂ©supposition voulant notamment que lâĂ©noncĂ© Boumeh ! Ne vas-tu pas cesser de torturer notre oncle ? » ait Ă©tĂ© produit en arabosyriaque par le personnage, comme il garde toujours une trace de cette langue, mais traduit et transmis, plus tard, en français par le truchement, oĂč la voix non visible » se rend visible » dans lâĂ©noncĂ© grĂące au xĂ©nisme. Il en est ainsi, pour clore la dĂ©monstration, du paragraphe ci-aprĂšs du PĂ©riple de Baldassare, oĂč le narrateur utilise lâarabe classique dans son rĂŽle de langage mythique » Depuis lâaube de lâislam, les savants dĂ©battent autour dâun verset du Coran, qui revient par trois fois dans des termes similaires, et qui souffre diverses interprĂ©tations. Esfahani le cita en Ă©grenant soigneusement les syllabes fa sabbih bismi rabbika-l-azĂźm » ; ce qui pourrait ĂȘtre traduit dans notre langue par Glorifie le nom de ton Seigneur, le trĂšs-grand. PĂ©riple, 355. Le verset coranique intĂ©grĂ© en arabe classique dans le paragraphe constitue un xĂ©nisme, comme il est mis entre guillemets et suivi dâune traduction en français par le narrateur initial. Lâusage des Ă©lĂ©ments Ă©trangers se fait dans le discours rapportĂ© et dans la langue du personnage, et la glose mĂ©talinguistique le suit. Ici, la voix du truchement se dĂ©tache de celle du personnage. Dâun point de vue gĂ©nĂ©ral, dans un Ă©noncĂ©, le narrateur et le personnage sâexpriment conjointement. Autrement dit, dans les limites dâune seule et mĂȘme construction Ă©nonciative, on entend rĂ©sonner les accents de deux voix diffĂ©rentes. Du point de vue strictement narratif, il peut sâagir du discours du personnage, mais en distinguant la langue du narrateur de celle du personnage, la rĂ©alitĂ© se prĂ©sente dâune façon diffĂ©rente. La voix non-visible » du narrateur devient visible » dans lâĂ©noncĂ© du personnage, dans lâacception ultime quâune telle mise en scĂšne Ă©nonciative et hĂ©tĂ©ro-linguistique renvoie au travail de lâĂ©crivain dans sa pertinence sĂ©miotique et discursive. Dans Le Rocher de Tanios, Maalouf utilise un grand nombre dâexpressions locales libanaises, de proverbes, de dictons ; il insĂšre des mots du langage vernaculaire montagnard dialecte arabosyriaque et mĂȘme des mots empruntĂ©s au turc et au persan qui furent adoptĂ©s par le langage vernaculaire. Or, ces Ă©lĂ©ments Ă©trangers ne passent pas dans le discours narratif sans lâautorisation du narrateur-truchement, qui peut les fait suivre par une glose mĂ©talinguistique ou non KhwĂ©ja GĂ©rios nâaura pas le temps dâen prendre, il faut quâil parte Ă lâinstant pour revernir avant la ainsi quâil lâappelait quand il avait envie de lui faire plaisir, khwĂ©ja, un vieux mot turcopersan qui dĂ©signait dans la Montagne ceux qui, dotĂ©s dâinstruction et de fortune, ne travaillaient plus la terre de leurs mains. Rocher, 38 Ainsi, si lâĂ©lĂ©ment Ă©tranger khwĂ©ja est inscrit, ici, en italique et suivi dâune glose mĂ©talinguistique, dans un autre roman, Samarcande notamment, il le sera comme pĂ©rĂ©grinisme. Il en va de mĂȘme pour le mot arabe Jord Et il avait cru trouver la parade idĂ©ale le marier Ă la fille dâun chef fĂ©odal bien plus puissant que lui, le seigneur du grand Jord⊠Rocher, 24 Le narrateur ne donne pas dâexplication Ă ce mot arabe qui reste figurĂ© comme Ă©lĂ©ment Ă©tranger dans le texte jusquâĂ plus tard dans le texte, Ă la page soixante-quatre, oĂč le narrateur le fait suivre par une glose mĂ©talinguistique Le village se mit Ă bruire dâanecdotes fĂ©roces sur celui que, par une lĂ©gĂšre torsion de mot, on sâĂ©tait mis Ă nommer non plus le seigneur du Jord â qui veut dire les hauteurs arides » â mais le seigneur des jrad â qui veut dire sauterelles ». Rocher, 64 Il ressort de tout cela que les diverses modalitĂ©s de lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©isation linguistique inscrite dans les romans laissent envisager un positionnement normatif, ou axiologique, de lâĂ©nonciation autour des faits de langues rapportĂ©s » des espaces extratextuels de rĂ©fĂ©rence de lâĂ©criture et intĂ©grĂ©s Ă la pertinence sĂ©miotique dâensemble de lâĂ©criture. Dans le cas de lâĆuvre romanesque dâAmin Maalouf, câest lâensemble du Pan-Orient », de lâEurope andalouse Ă lâExtrĂȘme-Orient de la Chine, tel que le met en Ă©criture son Ćuvre, qui est convoquĂ© et assujetti Ă la relecture » que lâĂ©crivain propose de son histoire effective comme de son histoire discursive ». Notes 1 DĂ©sormais PĂ©riple dans les citations, suivi de la page. 2 Ce mot sâidentifie par le a final alef al itlaq qui marque le fĂ©minin des mots dâorigine syriaque Issa, 14. 3 DĂ©sormais Rocher dans les citations, suivi de la page. 4 DĂ©sormais Jardins dans les citations, suivi de la page. 5 DĂ©sormais LĂ©on dans les citations, suivi de la page. 6 DĂ©sormais Ăchelles dans les citations, suivi de la page. Ouvrages citĂ©s BAKHTIN, M. M.. EsthĂ©tique de la crĂ©ation verbale. Paris Gallimard, 1984. ââ. Le marxisme et la philosophie du langage. Paris Les Ăditions de Minuit, 1977. CORM, Georges. Liban les guerres de lâEurope et de lâOrient 1840-1992. Paris Gallimard, 1992. DâALVERNY, AndrĂ©. Petite introduction au parler libanais. Beyrouth Imprimerie catholique, 1963. GAUVIN, Lise. Les langues du roman du plurilinguisme comme stratĂ©gie textuelle. MontrĂ©al Les Presses de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al, 1999. GOBARD, Henri. LâaliĂ©nation linguistique analyse tĂ©traglossique. 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Ce nâest pas un vĂ©lo qui transporte Molly, mais Marin Ă quinze ans, Jean Bart reste avec Surcouf le plus connu des corsaires de France. Combattant sans relĂąche les Anglais et les Hollandais tout au long de sa vie, il saura toujours allier le panache, la droiture et lâingĂ©niositĂ©. Ne voit-on pas en lui un des prĂ©curseurs des stratĂ©gies modernes de combat, oĂč la rapiditĂ© et la technologie lâemportent sur le nombre et les gros bataillons ?Au moment oĂč la France a plus que jamais le devoir de puiser au trĂ©sor de ses qualitĂ©s sĂ©culaires les Ă©lĂ©ments de sa renaissance et de sa grandeur retrouvĂ©e, il nâest pas inutile de rappeler aux adolescents dâaujourdâhui lâexemple de cette claire figure de chez nous qui ne dut ses victoires et sa renommĂ©e quâĂ ses seuls mĂ©rites personnels. Retrouvez le ici ! Merci Ă Bernard TOP pour sa prĂ©sence avec ces deux romans SIGNE DE PISTE "Le Sentier du diable" et "Cap sur Sarrebruck", Ă la rencontre de ces lecteurs. Dix ans dĂ©jĂ que Jean-Louis Foncine, le plus grand auteur de romans scouts français nous a quittĂ©, le 29 janvier lâavais briĂšvement rencontrĂ© au milieu des annĂ©es soixante-dix, et jâen garde encore un souvenir Ă©mu et auteur du Signe de Piste Ă ĂȘtre repris dans une anthologie rĂ©cente des romans pour adolescent dans la prestigieuse collection Bouquins Ă quand la PlĂ©iade ?, il avait su crĂ©er un univers Ă sa mesure, dans un style immĂ©diatement ce que jâĂ©crivais sur lui il y a quelques annĂ©es, dans Lâaventure scoute. Foncine, Jean-Louis pseudonyme de Pierre Lamoureux 1912-2005Jean-Louis Foncine demeure lâun des auteurs de romans scouts les plus cĂ©lĂšbres. Scout de France dĂšs les annĂ©es vingt, disciple de LĂ©on Chancerel et de ses ComĂ©diens Routiers, issu de la bourgeoisie lorraine, il propose en 1938 Ă Maurice de Lansaye un roman Ă©crit Ă partir dâun jeu dramatique montĂ© avec son complice Pierre de Lansaye vient de lancer la collection Signe de Piste et accepte immĂ©diatement lâouvrage, qui crĂ©e un scandale lors de sa parution pour la premiĂšre fois, des gosses en lutte contre lâordre adulte et bourgeois gagnent !Une polĂ©mique Ă©clate dans la revue des chefs, dâoĂč Foncine sort vainqueur, plĂ©biscitĂ© par les lecteurs contre la Ă©crit ensuite les diffĂ©rents tomes de son cycle des Chroniques du Pays Perdu Le Relais de la Chance au Roy sans doute le plus beau roman scout francophone, Le Foulard de sang, La ForĂȘt qui nâen finit pas originellement destinĂ© aux filles et publiĂ© dans un Ă©phĂ©mĂšre satellite fĂ©minin du Signe de Piste, la collection Joyeuse.Pendant la guerre, Foncine est fait prisonnier et reste sur le sol allemand jusquâen 1945. Dâabord dans un Oflag oĂč il rencontre et subit lâinfluence de Georges SoulĂšs, plus connu sous le nom de Raymond Abellio, puis au sein de la Mission Bruneton, oĂč il sâoccupe dâamĂ©liorer le sort des jeunes Français Ă©chouant en Allemagne avec le STO Service du Travail Obligatoire.De retour en France, il devient rĂ©dacteur-en-chef de Scout la revue de la branche Ăclaireurs des Scouts de France en 1945 et travaille avec Joubert et Michel Menu, le fondateur des Raiders-Scouts et des Patrouilles Libres, alors Commissaire National son franc-parler et sa fantaisie heurtent la hiĂ©rarchie du mouvement il sâen va et rejoint, jusquâĂ sa retraite, les Ăditions LittĂ©raire des Ăditions Alsatia, sâoccupant, avec Serge Dalens des collections Signe de Piste Ă partir de 1954, directeurs dâautres collections Rubans Noirs, Feux de lâHistoire, Hippocampe, etc., traducteur, il mĂšne Ă©galement en parallĂšle une carriĂšre de libraire Librairie Au Signe de Piste », puis de journaliste et il partage alors son temps entre Paris et la Franche-ComtĂ©, sa patrie dâadoption le fameux Pays Perdu.Styliste hors pair, il ne cessera de sâadapter Ă son temps et ses romans suivent lâĂ©volution du monde, Ă©voquant les Raiders dans Les Forts et les purs, ou la rĂ©conciliation franco-allemande dans Le Glaive de la rĂ©forme des SDF en 1964 quâil contestera dans divers articles, il sâintĂ©ressera aux gens du voyage, Ă la dĂ©linquance Les Canards sauvages, Hier la libertĂ© ou aux Ă©nigmes historiques Le Lys Ă©claboussĂ©.Jean-Louis Foncine possĂ©dait une intelligence aiguĂ« qui sâappuyait sur une culture immense et une curiositĂ© sans cesse aux aguets fascinĂ© par la politique, lâHistoire, les mouvements de jeunesse, il commettra sous le pseudonyme de Charles VaudĂ©mont divers articles sur lâadolescence et les sociĂ©tĂ©s secrĂštes, et pouvait sâenorgueillir dâĂȘtre un des trĂšs rares Français Ă vĂ©ritablement connaĂźtre la Hitlerjugend, quâil avait approchĂ©e, et dont il avait lu la propagande lors de sa captivitĂ© en Ćuvre, toujours rééditĂ©e, demeure lâun des fleurons de la littĂ©rature jeunesse en France au XXe siĂšcle. Complexe, entrelardĂ©e dâinfluences multiples et parfois contradictoires, elle tĂ©moigne dâune libertĂ© de pensĂ©e et dâun tempĂ©rament individualiste parfois quasi fou du livre et de la littĂ©rature, il consacra beaucoup de son temps Ă réécrire les manuscrits quâon lui proposait pour la collection Signe de du Pays PerduLa Bande des Ayacks 1938,Le Relais de la Chance au Roy 1941La ForĂȘt qui nâen finit pas 1949Le Foulard de Sang 1946Les Forts et les Purs 1951Le Glaive de Cologne 1954La Caverne aux Ă©paves 1958Les Canards sauvages 1979Le TrĂ©sor de la Sonora 1966Contes des Pays Perdus 1993En collaboration avec Serge Dalens et officieusement Bruno Saint-Hill Le Jeu sans frontiĂšres 1947Les Fils de Christian 1977Les EnquĂȘtes du Chat-Tigre 13 titres sous le pseudonyme de Mik Fondal En collaboration avec Antoine de Briclau Le Lys Ă©claboussĂ©, Fleurus 1992En collaboration avec Jean-François Pays Hier, la libertĂ© 1976Scouts du monde entier, Ă©d. Bias 1955Un si long orage, chronique dâune jeunesseI. Les Enfants trahis, 1995II. Les Eaux vertes de la Flöha, 1995. Il y a cent ans ! Il faut imaginer cela. Des adolescents se voient plongĂ©s brutalement dans la guerre⊠et puis la rĂ©volution que suit la guerre civile ! Et si cela nous arrivait aujourdâhui ? Que ferions nous ? FragilisĂ©es par de multiples intĂ©rĂȘts contraires, nos sociĂ©tĂ©s sont en Ă©quilibre instable. Il en Ă©tait de mĂȘme dans lâEurope de 1914. On le dĂ©couvre Ă nouveau cent ans plus tard. Ainsi, nous pouvons nous identifier dâautant plus Ă Pavel, Ă NicolaĂŻ ou Ă Grigori qui furent embarquĂ©s, quatre ans plus tĂŽt, dans une aventure incroyable, la fondation des scouts russes. Ce livre est un roman, mais aussi la relation dâune Ă©popĂ©e⊠fabuleuse et tragique. Il sert un peu de miroir, un miroir oĂč nous pouvons nous observer nous-mĂȘmes ainsi que le théùtre de nĂŽtre temps. Quâaurions nous fait dans de pareilles circonstances ? Que ferions-nous si cela se reproduisait ? DĂšs lors, on sâattache Ă chacun de ces jeunes hĂ©ros. Leurs joies, leurs rĂȘves, leurs angoisses ou leur douleur emportent notre empathie. Nous-nous sentons un peu de leur famille. Ils pourraient ĂȘtre nos grands-grands-parents , mais aussi nos frĂšres ou nos cousins. Pour le rĂ©cit, notons que lâaction se dĂ©roule sur quinze ans. Pas facile dâassurer la cohĂ©sion du texte dans ces conditions. On est loin de lâunitĂ© de temps du théùtre classique ! Lâauteur, en fait, sâen sort en sautant des Ă©tapes » et la dĂ©roule sous forme de tableaux comme on le ferait prĂ©cisĂ©ment au théùtre. Ainsi voit-on les enfants grandir, Ă©voluer, prendre de la maturitĂ© jusquâĂ devenir un peu trop prĂ©cocement des adultes. Une Ă©criture fluide ayant parfois des accents poĂ©tiques offre une lecture agrĂ©able. On prend mĂȘme parfois plaisir Ă relire un passage pour mieux apprĂ©cier la musique des mots. De plus, des descriptions somptueuses, en particulier de Saint-PĂ©tersbourg et de ses environs, de la SibĂ©rie, de Kiev ou de la CrimĂ©e servent le rĂ©cit par leur authenticitĂ©. Visiblement, lâauteur les connaĂźt bien. Pour terminer, des clins dâĆil Ă Jules Verne agrĂ©mentent accessoirement la distribution des rĂŽles, laissant cependant le soin au lecteur dâimaginer des liens gĂ©nĂ©alogiques. On pourrait par ailleurs Ă©voquer dans ce registre le Guerre et Paix » de LĂ©on TolstoĂŻ. Emilie Poussin Des personnages attachants qui Ă©voluent dans une fresque historique de la Russie au tournant de son Histoire. Une atmosphĂšre qui nâest pas sans rappeler Le docteur Jivago et les noms de lieux qui croisent la piste de Michel Strogoff⊠» Jean-Pierre Michel Je dois vous avouer que ce roman m'a touchĂ© droit au cĆur. J'espĂšre qu'un jour il pourra devenir un film extraordinaire, joli, tendre et Ă©motionnel. Il a tout ce qu'il faut des paysages russes, des palais, des moments intimes et la beautĂ© de Saint-PĂ©tersbourg. Le style qui a Ă©tonnĂ© la premiĂšre relectrice m'est venu assez spontanĂ©ment. Je me suis inspirĂ© un peu des rĂ©cits de Stefan Sweig traduits par un poĂšte russe du dĂ©but du XXĂšme siĂšcle, Ossip Mandelstam. Mais, je rĂ©pĂšte, ce style m'a Ă©tĂ© dictĂ©, si vous voulez, par l'esprit trĂšs raffinĂ© du roman lui-mĂȘme. Les personnages sont nobles et j'aime bien celui du jeune Bolkonsky. Je me suis mĂȘme dĂ©placĂ© avec mon amie sur les bords de la Slavianka et Ă Pavlovsk en mi-printemps pour voir un peu les paysages qui entouraient les hĂ©ros. » Grigory Kaoustov, traducteur dâOmbres et lumiĂšre. [en savoir +] Ce livre a Ă©tĂ© Ă©crit en mĂ©moire du bienheureux JosĂ©, jeune Cristero martyrisĂ© Ă lâĂąge de 14 ans aprĂšs avoir refusĂ©, malgrĂ© les tortures et les promesses de ses bourreaux de le libĂ©rer sur le champ sâil obtempĂ©rait Ă leur demande, de crier Mort au Christ Roi ! Si le roman est Ă nouveau disponible pour le plaisir des lecteurs ... que savons nous de son auteur ? C'est chose faĂźte Christian Floquet, en documentaliste averti , a rĂ©uni des articles, des tĂ©moignages, des lettres et des documents photographiques exclusifs pour nous offrir la biographie la plus complĂšte que nous ayons connu sur cet auteur dâexception. Il Ă©tait Avocat, Ecrivain, Plongeur sous-marin, Raider-Scout parmi les premiers et avant tout un meneur dâhommes qui croyait en sa mission de est mort dans des conditions dramatiques voilĂ 60 ans... Lire l'ensemble de cette biographie Une NOUVELLE bande dessinĂ©es oĂč chaque nouveau tĂ©moignage construit une vision de plus en plus complĂšte du scoutisme, de son histoire, de ses valeurs et des ses idĂ©aux. Retrouvez lĂ , ici ... Chers Bienveillants de la Collection SIGNE DE PISTE, cela fait maintenant sept ans lâĂąge de raison ! que je veille aux destinĂ©es de la Collection SIGNE DE PISTE, avec pour objectif de maintenir lâesprit de cette Collection de Roman de Jeunesse, fait de rĂ©cits dâAventure et dâAmitiĂ©. Sept annĂ©es au cours desquelles jâai ĆuvrĂ© pour faire entrer cette Collection dans le XXIe siĂšcle, auprĂšs de cette GĂ©nĂ©ration Y, qui, certes, lit de moins en moins, mais reste assoiffĂ©e dâidĂ©al et cherche sa place dâadulte dans un monde en mouvement. Sept annĂ©es durant lesquelles jâai eu la chance de rencontrer des Bienveillants » qui ont cherchĂ© Ă mâaider simplement, sans me juger ou me donner des leçons, tels que Franz, Christian, Bernard⊠mâaidant Ă faire face aux nombreuses attaques et jalousies venant de personnes se qualifiant d'"amis" de la Collection. Sept annĂ©es au cours desquelles les schĂ©mas classiques de vente ont Ă©tĂ© modifiĂ©s - e-commerce, plateforme de vente Amazon⊠- nouveaux supports dĂ©matĂ©rialisĂ©s Ebook - Ă©volution des modalitĂ©s dâimpression entre le livre Ă la demande et le tirage Ă 1 000 exemplaires chez les imprimeurs. Aujourdâhui, bienveillants » de la Collection, je lance un appel, jâouvre mes colonnes Dites-moi quel est le TITRE du roman SIGNE DE PISTE, qui vous a le plus marquĂ© ? Et en quelques lignes, pourquoi ? Avec vos tĂ©moignages, je ferai mon possible, avec mon Ă©quipe, pour le rééditer et le proposer ainsi Ă un nouveau public. Le Manteau blanc » de Pierre Labat, qui nâavait pas Ă©tĂ© rééditĂ© depuis 1950, mâa Ă©tĂ© ainsi suggĂ©rĂ© par lâun dâentre vous, et a vu le jour cette annĂ©e. Il est Ă nouveau disponible Ă la vente sur Internet ou/et chez votre libraire, et pourra Ă nouveau enchanter lâimagination de nos jeunes dâaujourdâhui ! Ăcrivez-moi sur nos sites Facebook/signe de piste⊠à bientĂŽt de vous lire, et continuez votre Bienveillance Ă mon Ă©gard AgnĂšs F. Les Cicatrices du chemin est le deuxiĂšme tome des Chroniques dâYliĂšs de Fonlabourg. Au XIIIe siĂšcle naissant, YliĂšs et Gatien, tout jeunes hommes, sont liĂ©s par un serment dâamitiĂ© quand la croisade des Albigeois dĂ©sole une grande partie du pays occitan, notamment lors du siĂšge de Minerve. FĂ©conds Ă©lĂ©ments pour un roman Ă©pique. Ăvoquer les Cicatrices du chemin incite dâabord Ă employer des termes tels que roman historique », roman de chevalerie », aussi honorifiques et engageants que rĂ©ducteurs. En vĂ©ritĂ©, lâĆuvre de Dominique MauriĂšs dĂ©passe ces clivages, car au-delĂ de la croisade contre les Albigeois et les Cathares dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le lecteur est invitĂ© Ă cĂŽtoyer de jeunes hĂ©ros â la plupart nâont pas quinze ans â dâune Ă©poque oĂč lâadolescence nâexistait pas. Par lĂ nous entendons que le roman tout entier rend hommage Ă ces vaillants acteurs de lâHistoire, enfants de par leur Ăąge et leur constitution, leur corps, mais dĂ©jĂ adultes de par les mĆurs, le contexte social de lâĂ©poque qui fait encore couler beaucoup lâencre des historiens comme des romanciers le Moyen Ăge. Appeler ces hĂ©ros des enfants adultes » nâa rien dâinfĂąmant, ni de ridicule, au contraire Entre eux et avec un certain humour ils font souvent rĂ©fĂ©rence Ă leur aspect de jeunes imberbes angĂ©liques, mais Ă travers leurs pĂ©riples nous dĂ©couvrons des jeunes gens Ă qui ont Ă©tĂ© inculquĂ©s des prĂ©ceptes moraux aussi solidement fondĂ©s que les forteresses et autres chĂąteaux dans et autour desquels se dĂ©roule lâimplacable, la brutale et aveugle guerre livrĂ©e au Cathares, Ă tous ces Parfaits qui osent choisir une autre route que le pape et lâĂglise tout entiĂšre. AnimĂ©s par une foi puissante, inĂ©branlable, avec au cĆur le sens de la parole donnĂ©e, de lâengagement, de la fidĂ©litĂ© et de lâhonneur, ils dĂ©fient dans la joie et avec un courage sans limites le dĂ©terminĂ© Simon de Montfort et ses alliĂ©s. Roman historique, disions-nous. En effet, puisquâil y est question de conflits ayant eu effectivement lieu au dĂ©but du XIIIe siĂšcle dans le sud de la France. Cela dit, lâauteur dĂ©veloppe le tissu historique pour nous offrir une histoire particuliĂšre, prĂ©cise et concise, avec maintes rĂ©fĂ©rences relatives aux tenants et aboutissants des conflits, aux stratĂ©gies adoptĂ©es de part de dâautre, et jusquâaux dĂ©tails touchant aux Ă©quipements, aux vĂȘtements, aux armes⊠et aux tournures propres Ă lâĂ©poque, car lâauteur nous rĂ©gale dâune syntaxe et dâune langue archaĂŻsantes qui, pour dĂ©router un peu dans les premiĂšres pages, nous plonge habilement dans lâaction, comme si nous Ă©tions tout prĂšs des valeureux hĂ©ros de la vaste fresque. Roman de chevalerie, ajoutions-nous. Câest Ă©vident dans la mesure oĂč la quasi-totalitĂ© des personnages des Cicatrices sont des nobles, ont Ă©tĂ© adoubĂ©s ou le seront bientĂŽt ; avec tout ce que cela suppose de prĂ©paration, mais aussi et surtout de probitĂ© et de courage. Certes, mais contrairement Ă bien des jeunes personnages des romans propres aux dĂ©cennies prĂ©cĂ©dant le XXIe siĂšcle, les hĂ©ros de MauriĂšs ne jouent pas aux chevaliers ils le sont. Leur mĂ©rite est dâautant plus grand que chaque jour ils risquent rĂ©ellement leur vie. Au cĆur de lâintrigue, la destruction de la Malvoisine, gigantesque et efficace catapulte que les ennemis jurĂ©s des Cathares emploient pour dĂ©truire leur dernier puits, par lĂ les priver de lâeau absolument nĂ©cessaire Ă leur survie pendant le siĂšge. AubĂ©ric de Minerve, ami intime, pour ne pas dire frĂšre dâYliĂšs et de Thibaude, participe Ă lâopĂ©ration qui exige dâextrĂȘmes prĂ©cautions, autant de courage, voire de tĂ©mĂ©ritĂ©. Elle sera ingrate. Mais la Malvoisine et le siĂšge devant Minerve donnent aussi lâoccasion de mesurer la force, la dĂ©termination et la foi des Parfaits, hĂ©rĂ©tiques sommĂ©s dâabjurer, ce quâils refusent avec la ferveur qui les caractĂ©rise ; jusquâau jour oĂč le soleil eut honte », quand des Parfaits se jetĂšrent dans les flammes, enjouĂ©s Ă lâidĂ©e de bientĂŽt entrer dans le beau royaume ». Ă ces pĂ©ripĂ©ties guerriĂšres il faut ajouter les intrigues familiales, notamment quand des frĂšres longtemps sĂ©parĂ©s par les affres de lâHistoire se retrouvent avec des larmes de joie, quoiquâils ne soient pas du mĂȘme camp. Mais leur sens de lâhonneur sauve la mise et Ă©vite les conflits fratricides chacun suit son chemin avec autant de fiertĂ© que de bonne volontĂ©. Et nous, lecteurs, refermons lâouvrage avec quelque nostalgie Ă lâĂąme Nous Ă©tions si prĂšs de ces nobles jouvenceaux â nobles dans toutes les acceptions du mot. LâĂ©criture de Dominique MauriĂšs a ceci de savoureux et de profond en mĂȘme temps quâelle sâest appuyĂ©e sur de nombreux ouvrages historiques de rĂ©fĂ©rence, qui sont dâailleurs mentionnĂ©s en annexe. Sans compter les sources romanesques, qui ajoutent sans doute au caractĂšre Ă©pique du roman. Enfin, soulignons que lâauteur a Ă©galement puisĂ© dans un dictionnaire dâancien français les nombreux mots et expressions qui ornent la narration aussi bien que les dialogues, fort nombreux, toujours prenants, ne laissant aucune place Ă lâimprovisation. Grand est le mĂ©rite de Dominique MauriĂšs dans la mesure oĂč Ă aucun moment lâon ne perçoit le moindre labeur piteusement scolaire dans la trame, la syntaxe et lâagencement des pĂ©ripĂ©ties, quand on sait combien il est hasardeux de se lancer dans lâĂ©criture dâun tel roman sans une imprĂ©gnation pugnace de lâHistoire. Le deuxiĂšme volume des Chroniques dâYliĂšs de Fonlabourg demande une lecture patiente, peut-ĂȘtre surprenante dans les premiĂšres pages, comme nous lâavons vu, mais ensuite captivante et mĂȘme, il faut le souligner, formatrice Tout sĂ©pare les jeunes hĂ©ros mĂ©diĂ©vaux des adolescents dâaujourdâhui, quant aux mĆurs, Ă la langue, Ă lâĂ©ducation religieuse, morale et autre, et ainsi de suite. Et pourtant, ces diffĂ©rences Ă©clatantes ne nuisent en aucun cas au lecteur, quel que soit son Ăąge par ailleurs. Une lecture formatrice, en effet, dâabord de par son caractĂšre historique â le catharisme ne figurant plus depuis longtemps dans les manuels scolaires. Formatrice, ensuite, de par la personnalitĂ©, le caractĂšre des principaux personnages Leurs qualitĂ©s, si nombreuses, si bien offertes au lecteur, pourront laisser quelques traces profitables dans son esprit. Si un adolescent dâaujourdâhui serait bien en peine dâimiter les faits et gestes dâYliĂšs, Gatien, Thibaude et dâautres encore, en revanche quelle opportunitĂ© sâoffre Ă lui de sâinspirer de leur conduite ! A lâheure du tout et tout de suite », quel exemple â et non leçon â de patience, de pugnacitĂ©, de foi et dâespoir ! Avec Dominique MauriĂšs, quâon se laisse guider en toute confiance dans les mĂ©andres de cette pĂ©riode mĂ©diĂ©vale souvent mĂ©connue, et lâon pourra, comme par enchantement, se sentir voyager dans le temps, au fil des pages, avant de se rĂ©veiller lentement, encore Ă©tonnĂ© dâavoir Ă©tĂ© baignĂ© dans un passĂ© lointain plus lumineux que certains anciens ouvrages scolaires lâont prĂ©tendu. Dans le magazine Le point d'aujourd'hui, Gabriel Matzneff fait amplement rĂ©fĂ©rence au Signe de Piste, Foncine, Joubert et... Master Kouki ! Bruno Robert des Douets, votre roman Ombres et lumiĂšre a Ă©tĂ© publiĂ© rĂ©cemment dans la collection Signe de Piste. Quels sentiments cela vous inspire-t-il ? Une certaine fiertĂ©. Pour moi, Signe de Piste est lâun des piliers de la littĂ©rature jeunesse. En plus, jâai eu la joie de connaĂźtre Jean-Louis Foncine et Serge Dalens. Je me sens trĂšs honorĂ© dâĂȘtre invitĂ© Ă marcher sur leurs traces, cela dâautant plus que jâai bien failli ĂȘtre Ă©ditĂ© dans la collection par Foncine au temps de mes dĂ©buts. Ah bon ? Racontez-nous ! Comment les avez-vous rencontrĂ©s ? Dans les annĂ©es 70, alors que jâĂ©tais jeune chef dâunitĂ© de scouts marins, nous disposions dâune pĂ©niche â câĂ©tait notre local â et dâun superbe canot de 10 m de la marine nationale. Il sâappelait le Prince Ăric. Ă lâoccasion dâune fĂȘte de groupe, nous avions invitĂ© Dalens et Foncine Ă venir le voir. Ils avaient dit oui sans hĂ©siter. Peu aprĂšs, jâavais confiĂ© mon premier manuscrit Ă Foncine. Il sâagissait je crois de Fin de jeu ou bien de Snorri, le fils du viking. En fait, il y avait encore Ă travailler, mais nous ne disposions pas alors dâordinateurs. Une page Ă modifier nĂ©cessitait de redactylographier tout un chapitre. Le projet en Ă©tait donc restĂ© lĂ . Revenons Ă votre Ombres et lumiĂšre. Pourquoi ce choix de situer lâaction en Russie ? En 2000, ayant eu la chance de me rendre Ă Saint-PĂ©tersbourg, jây avais rencontrĂ© de jeunes guides et scouts absolument formidables. Je me suis intĂ©ressĂ© Ă lâhistoire de leur mouvement et jâai dĂ©couvert une vĂ©ritable Ă©popĂ©e, glorieuse et tragique. Jâai voulu la restituer. Jâen ai fait un roman. Pensez-vous pouvoir toucher des lecteurs russes ? Pourquoi pas ? Il y a pas mal de Russes qui maitrisent la langue française. CâĂ©tait mĂȘme une tradition dans la Russie prĂ©-rĂ©volutionnaire ! En outre, jâai Ă©tĂ© interviewĂ© par le magazine La Russie dâaujourdâhui. Cela permettra de faire connaĂźtre cette trilogie russe dans ce pays immense est dans les pays voisins. Par ailleurs, il y a de nombreux Russes en France, en Belgique, en Suisse. Ils seront probablement intĂ©ressĂ©s par le contenu de ce roman qui traite dâun aspect mĂ©connu de leur Histoire. Une traduction est-elle envisagĂ©e ? Qui sait ? Ce serait logique. Il est encore un peu trop tĂŽt pour ĂȘtre affirmatif. Vous avez indiquĂ© que ce livre Ă©tait le premier dâune trilogie. Quâentendez-vous par lĂ ? PrĂ©voyez-vous une suite Ă ce premier roman ? Ombres et lumiĂšre Ă©voque les soubresauts de la Russie de 1909 aux annĂ©es 20 dans le regard de scouts emportĂ©s par des Ă©vĂ©nements catastrophiques. Avec le roman suivant Les survivants de SĂ©bastopol, il ne sâagit pas vraiment dâune suite. En fait, câest une autre histoire. Des pionniers sont piĂ©gĂ©s de 1942 Ă 1944 dans le siĂšge de leur ville par les armĂ©es nazies. Pour eux, câest lâhistoire de la survie. Cependant, des liens tĂ©nus, sorte de fil rouge, relient les trois livres entre eux. Des allusions relatives aux scouts russes du prĂ©cĂ©dent roman sont faites par certains des protagonistes. Et le troisiĂšme roman ? Ce sera plus contemporain puisque lâaction se passe au tout dĂ©but du XXIe siĂšcle. On y dĂ©couvrira lâamitiĂ© de scouts russes et français confrontĂ©s Ă un Ă©vĂ©nement dramatique. En outre, y seront Ă©voquĂ©s, sous forme de flash-back », les camps du goulag et la survie ou la mort de guides et de scouts au cours des annĂ©es 30. En attendant sa publication, jâaimerais recommencer lâexpĂ©rience de lâĂ©crire quasiment en direct. Je lâavais fait pour le prĂ©cĂ©dent sur le site MyMajorCompanyBooks. Cela mâavait valu de nombreux contacts enrichissants et mĂȘme de rencontrer une relectrice efficace. Merci Bernadette ! Cette fois, nous pourrions le faire en passant par ce blog Signe de Piste. Mes lecteurs pourraient quasiment participer Ă lâĂ©criture en faisant part de leurs sentiments, suggĂ©rant leurs propres idĂ©es, faisant des remarques critiques, etc. TrĂšs bientĂŽt, le premier chapitre pourrait ĂȘtre mis en ligne. JâespĂšre que cela puisse intĂ©resser les lecteurs de Signe de Piste. Tout un programme ! Merci pour vos rĂ©ponses et rendez-vous dans vos livres !Ilest vrai que les phrases monosyllabiques peuvent entraĂźner un malentendu auprĂšs dâun public anglophone qui y verra, au lieu dâun signe dâamitiĂ©, de lâagressivitĂ©, voire des menaces (Anderman, 1996, 184). Donc, la traduction fait une concession Ă lâoriginalitĂ© du phrasĂ© de Reza au risque de se mĂ©prendre sur la profondeur relationnelle entre les personnages, pour Ă©viter l